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Balade intime avec une sorcière - extrait *Ergowyn*

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Balade intime avec une sorcière - extrait  *Ergowyn* Empty Balade intime avec une sorcière - extrait *Ergowyn*

Message  Ergowyn Lun 4 Oct - 1:22

Mes yeux coulent... sans cesse... La lune pleure aussi ce soir.

Cette bougie sera allumée pour elle. Pour elle et toutes les autres. Laquelle sera la prochaine ? Qu'importe. Peur. Voilà ce qui nous fait nous lever le matin, et nous empêche de nous coucher la nuit. Mais cette fois, je ne m'y rendrai pas. La nuit tombe, le froid s'installe, la cloche sonne, lourdement, ne pas y penser, ne pas se retourner, ne pas imaginer.
A peine le temps de rentrer les bêtes et déjà un cri venant de là-bas. Un cri. Un seul. Long. Plein de souffrance. Inhumain. Innocent. Et cette odeur qui embaumera toute la nuit. Ça y est, c'est fini, comme d'habitude c'est allé vite.

Le lavoir paraît bien vide ce matin. Les places libérées n'ont pas été remplacées. De toute façon, depuis que nos hommes sont partis, il n'y a plus beaucoup de linge à laver !

Elles me regardent et murmurent.

Qu'importe ces pies et ces bécasses. Elles ne peuvent rien contre moi. Je pose ma caisse à mon côté et, le plus gracieusement possible, j'invite mes genoux à épouser la pierre qui m'accueille tous les jours. Je m'installe très religieusement, silencieusement, laissant ces lavandières parler. Le sujet de causerie du jour est bien évidemment l'enfant brûlée hier. Ne pas y penser. Je sors du bac la première chemise. Blanche, en satin avec une belle dentelle, elle appartient à ma mère. Depuis que mon père et mon frère sont partis, nous laissant la maison, cette Dame sait se faire plaisir ! A croire qu'elle est heureuse de leur départ. Une tâche brune sur le col... diable mais que fait-elle de ses nuits pour ainsi salir son linge ? De la cendre et de la cire sur les manches... je ne veux pas savoir.
Le satin plonge dans l'eau froide. Mes mains meurtries le suivent. Je me penche un peu plus pour frotter le bout de savon sur les tâches, le froid chatouille mes pieds. Quelque chose glisse sur ma peau... mon chapelet se risque à pointer le nez dehors, volant au dessus de l'eau gelée, salie par les lavandières plus haut dans le courant.

Elles s'arrêtent, regardent le bijou étincelant dans les timides rayons de lumière. Voilà qui les fera taire quelques minutes. Voilà qui saura convaincre les plus coriaces de la pureté de mon âme.

Le labeur reprend. Chemises après chaisne, chaisnes après surcots, le froid me mord les mains. Le vent gifle mes joues, et pourtant je prends mon temps. La seule chose me faisant regretter la chaleur du manoir et les tâches qui m'y attendent est le tas de ragots des vieilles filles venues ici plus pour parler que pour laver le tas de linges et de draps qu'elles ont apporté. Des vipères. Voilà comment qualifier ces chrétiennes là. Vôtre perte passe par ces bouches là. Je termine de frotter mon dernier tablier. Toujours en silence, je l'essore maintenant. Il rejoindra le tas de tissu de ma bassine, et, comme je m'en suis venue, je m'en irai, mon fardeau sur ma hanche, ma tête pleine de questions, mon cœur lourd des derniers jours. Il faudra que je passe par l'église, me confesser, prier et allumer un cierge. Mon absence n'a pas dû passé inaperçue hier. Leurs regards m'ont suffit à comprendre. Noyés les soupçons pour ne pas être la prochaine. Être douce, être chaste, être prude, montrée patte blanche et âme pure...

Le soleil est à peine à la moitié de sa course et déjà on entend des rumeurs... Ils en soupçonneraient une autre... Je l'ai entendu dire par les filles de la ville en allant chercher mon pain. Et si c'était... Non, c'est impossible. L'esprit torturé, la peur au ventre, je suis le chemin qui monte jusqu'au bois chercher des champignons pour le repas de ce soir. Au premier virage, le corps de cette jeune femme, tout juste maman, picoré par les corbeaux, tombant en lambeaux. Elle a été la première accusée. Pendue là, en guise d'avertissement. Le second virage est caché par un muret de pierre. Mon cœur bondit. Il y a des bruits qui viennent de là. Quelqu'un se cache dans ces buissons, ceux dont les branches épaisses dépassent à peine du tas de pierre empêchant toute anticipation.

J'ai peur.


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Message  Ergowyn Mer 3 Nov - 13:47

Que croire ? Que penser ? Que faire à mon âge si ce n'est espérer, sans grande convictions... Je ne veux plus me battre. L'irrespect m'affecte, la fatigue me ronge, et je suis malade de cela. Le dégoût de l'humain me fais vomir, leurs regards de haine me brûlent et me grattent comme toutes ces infections qui laissent votre enveloppe pourrir, fétide odeur de déjà vécu.

Seuls cela ne sont pas humains, même s'ils paraissent l'être. Ils n'y a pas que du charme dans ces créatures, sérums et cachets sont les choses qu'ils m'apportent. Celui là, par son regard et son sourire m'apporte du jaune, sa voix venant teinter le tableau d'un ocre, réalité même du monde que l'on a créé. L'autre là-bas, se matérialisant dans ma tête, m'apporte le rouge et le vert qui le représente. De l'émeraude au vermillon passant par le rubis étincelant, il sait apporter les nuances nécessaires à mon traitement. L'un est ombre, il le sait, il l'affirme. Mais l'autre est-il lumière ?

Quels enfants et quels pleurs me feront réagir, réclamant le sein de ma personne, corps impur et sali dont il veut s'abreuver ? L'être si petit, si doux est-il humain ou créature ? Comment puis-je le vivre ? Cette ignorance, cette maladie, le mélange des deux... Jamais je ne guérirai de ces entailles, dans ma chair, profonde. Cette infection me ronge. Sommeil nébuleux, doux et empoisonné. Et j'enrage de ne pas savoir aller mieux. De ne pas savoir mentir à moi-même, masquant mon visage sous ce loup de velours, de satin et de dentelles. L'ombre a su teinter mon masque et par les mots et les lettres et les phrases et tous ces récits a su délasser le ruban qui retenait mes cheveux et fondait mon masque sur mon visage impur. L'autre créature y arriverait sûrement si toutefois je recevais de sa part la chaleur nécessaire à calmer mon mal.

Je souffre en silence sans vouloir en parler. Encore un mensonge ? Le hasard n'existe pas quand le crayon valse sur la scène de papier que je lui offre. Mais écrire si ce n'est pour être lu a-t-il un intérêt ? Dois-je être lecteur de moi-même ? Me consoler de ce mal inconnu qui me ronge ? Je suis déjà témoin de ce corps, de ce tas de chair, à la fois impur et si précieux ; le bûcher qui illumine mes nuits est-il le réel moyen de mettre fin à cette sensation, à cette réalité ? Étrangère et sauvage, qui suis-je ou qui est-elle ? Je ne suis qu'une gitane, qu'une sorcière, qu'une none... Rien d'excitant. Rien qui mérite de l'intérêt. Rien qui ne mérite de vivre, survivre !

Si cet enfant n'avais pas pourri en moi, serai-je un peu moins humaine ? Il est trop facile de vouloir l'attention de ces créatures. Je ne le mérite pas, c'est pourquoi je ne l'ai pas.

Quelle fleur, comment peut-on s'épanouir et s'ouvrir au soleil si l'œil ne veut pas de ces pétales empoisonnés, de ses pistils malades... Et toi, conscience qui empêche ce tango magnifique... Qui es-tu pour ainsi entraver ma pensée ? Cet orgueil est trop présent, étalant devant les humains mon sourire et mes qualités... Menteuse ! Usurpatrice! Manipulatrice ! Je hais cette part de toi, de moi en fait, tu m'emmerde moi. Et je voudrais crier pour te le dire. J'aimerai me blottir dans des bras, coller mon corps contre celui de quelqu'un juste pour être en sécurité quelque part, recevoir un peu d'affection, ou au moins d'attention, sentir un peu de chaleur. Venir, aller, quelque fois dans un lieu sécurisant. Et je sais déjà que tous ces humains, imprégnés de mal, de vice, penseront perverses mes idées. Sexe. Voilà ce qu'ils pensent. Voilà ce qu'une partie de moi aimerait. Mais pas là. Le rapport charnel que je recherche , cette chaleur qu'il me manque n'est pas pour satisfaire mon corps de sorcière. Catin, fille de joie... ne puis-je pas un jour me sentir Dame ? Comme un écrin où me protéger.

Que diraient les créatures si elles me lisaient là ? Et les humains avec leurs beaux mensonges, leurs belles paroles, leur arrogance qui m'est si familière. Droite, haute, fière mais pas hautaine restera à jamais inscrit sur la tige de cette fleur qui un jour sera peut-être moi ; arrogante, sûre d'elle, femme, prétentieuse, voilà qui apporte du gris, du noir, du violet au tableau. Sale, je suis un tas de chair malade et sale, pourrissant mon âme et creusant loin dans ma chair pour percer mon abcès. Comment supporter le bruit que je produit en criant, en hurlant si silencieusement ? Que croire ? Que penser ? J'aimerai savoir faire. Et ce faucon m'aiderait-il ? Jeune éclair, cet orage saura-t-il me guider vers la guérison de mon être ? J'ai beau espérer m'élever au rang de ces créatures, je me sais trop impure, trop sale, trop... juste trop... Et je voudrais pleurer, laver mes blessures de mes larmes cristallines, mais personne ne m'aidera à arrêter. Ça s'appelle la Solitude. Oui Madame, ne t'indigne pas comme ça espèce de moi ! Je sais que j'écris ce qui me ronge... et tu as toujours aimé voir ma lame glisser avec énergie sur cette étendue saine. Quel vice me grignote ici pour me satisfaire de te voir souffrir de ma propre torture ? Je suis soulagée de savoir que tu ne m'empêche plus de poser des mots sur cette maladie, sur cette infection, sur ce virus. Soulagée mais toujours frustrée de ne pas être dans des bras. Ta censure peut commencer ici, après tout, tu es demoiselle et je ne suis qu'une gueuse de paysanne, qu'une traînée, qu'une catin. Et je te salue, et je te souhaite une longue vie. N'oublie jamais ces mots en revanche, car je gagne toujours en saluant de la sorte. Non, il n'y a pas de lecteurs alors rien ne sert de les saluer. Je m'incline face à moi, me réfugiant dans un sommeil purificateur car c'est le rôle de ce lac, de cette corde, de ces flammes : nettoyer un peu mon corps dégoûtant.

Exorcisant celle que je suis.


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Message  Ergowyn Mer 13 Avr - 23:21

Il l'avait prise. Sentence posée. Attachée. Fière. Humiliée. Sûre. Belle. Meurtrière vision.
Elle refusa, hurlant ses convictions, ses croyances et ses malédictions une dernière fois. Me regarda. Je n'affichais rien, mais elle savait. Ode au soleil en ces lieux, bénédiction de la lune dans nos yeux. Nous étions liées. Et maintenant j'allais brûler.
Elle n'abdiqua pas. Elle. Mon savoir, mon sang, ma fierté, mon enseignement. C'était maintenant mon tour. Elle ne livra aucun nom, donnant leçon à tous ici, assemblée dispersée. Elle était celle. Et maintenant je naissais. Serment silencieux entre elle et moi, sur mes épaules, des jeunes à former. Respirer. Se libérer. Souffrir. Une dernière fois avant de fuir. Je l'avais tant aimé, et dans nos coeurs, son amant pleurait. Et maintenant c'était mon tour. J'étais baptisée. Embaumée. Enchaînée. Le signal fut alors donné ; des deux côtés. Guerre déclenchée. "Faisons guerre à la guerre, guerre est damnée." D'ici peu, grand sang coulerai.

Le feu me l'a volée.

Odeur de chair brûlée, cette vive invention nous atteignait toutes, femmes que nous étions. Les flammes se répandaient, embrasant le foin séché. Droite. Asphyxie d'hors heure, ou d'horreur. Regardez mes filles, la bonté, la beauté, divine évidence que d'offrir son corps et son âme de la sorte. L'élément léchait sa peau, velours si souvent contemplé, caressé, embrassé. Mais, elle ne cria pas. Elle chanta, une dernière foi pour parfaire son ascension. Je devenais maîtresse, prêtresse pour son coeur qui mourrai. Elle m'avait tant appris. Soleil de mes nuits de prière, rayon de connaissance et de sagesse dont je venais d'hériter. Mon être tout entier trembla de douleur. Son chant m'anoblit, me donnant le courage de continuer. Je venais de réaliser que plus rien ne viendrait nous sauver, la sauver.
Chant de malédiction, elle ne perdrait pas. Et ses bourreaux en colère de ne la voir périr. Les notes s'élevèrent.

- Femmes vous êtes celles qui construirez. religion vicieuse vous fera étouffer. Femmes vous êtes celles qui nourrissez. Abattez les. Ne les laissez pas vous dévorer. Chantons, acclamons l'âme des damnées car elles sont en ce monde les louves qui gouvernent ! Fer à cheval, scarabée, croix d'Ankh, trèfle à quatre feuilles... vous êtes plus que tout ça car vous serez mon oeil. Entre vous en craignez rien car vous irez vers le bien !
Et de voir son visage se décomposer, elle sourit, adressant dans les limbes de ses yeux, un dernier message...
Quant à vous, Monsieur, représentant d'un Dieu au Satan trop volé, vous finirez. Vous n'avez plus pouvoir, abandonnez vos devoirs. Je suis mère, fille et aïeule. Je suis la puissance dans le deuil. Ainsi soit-il. Mes filles, ne causez point de torts et faites ce que voudra !
Les cris envahirent la place, honneur de rage et de tristesse mêlée. Toutes l'acclamions. Applaudissant et priant pour cette païenne envoûtée. Elle ne respira plus. Mourante. J'avais gagné. Elle ne voulait pas être sauvée. Elle voulait relier les femmes à notre cause, celle de la liberté, celle pour laquelle Père s'était sacrifié. Il paniqua, harcelé par les démons les plus puissants, esprits aujourd'hui matérialisés : les femmes. Donnant quelques ordres, il voulu nous faire disperser... Naïf espoir que de nous vouloir maîtrisées. Dernière lucidité que de prier, ramenant les plus pieuses d'entre elles à la raison. Mais nous... nous entamions ensemble le chant que la prêtresse venait de clamer, vocalises aux pouvoirs insoupçonnés. Contre leur latin, nous ne pouvions rien, rien d'autre que des larmes et une rébellion.
Le corps disparu, cendre envolée, la nuit s'était levée. La lune plus noire et plus invisible qu'aucun soir. Je me préparais... encore. Nombreuses étaient les nouvelles croyantes. Je les initierai toutes. Armée de charmes dressés. Il ferai leur éducation, je ferai leurs convictions.

Je fermais le cercle. Les cierges allumés n'éclairaient pas les visages encapuchonnés. Mon masque seul était distinct de la nuit. Je prie alors la charge de la Déesse. J'étais, sous leurs yeux, divinité incarnée, et, dans un souffle, elle devint. Mon âme meurtrie attendait sagement que mon corps me revienne, mais, en cette nuit, le tocsin sonnait, invoquant pour chacune d'elle le démon rattaché. Saisissant l'Ange par la gorge, il s'agenouilla, jura allégeance, et, une à une, repartirent ainsi protégées. Les anciennes restèrent. Et, cette nuit, nous partagerions le sabbat en l'honneur de la dernière décédée. Coupable innocente qu'elle était. Comme toutes les autres ? Pas tout à fait. Bien moins vulnérable que les victimes précédences, elle comprenait pourquoi elle mourait.
Ce soir, dans les bras de Lilih, dans les yeux de mes soeurs, je pleurais enfin la mort de celle qui était ma Mère. Sanglots violents. J'aimais tant cette spirituelle femme. Et j'hurlais à l'injustice, je crachais ma rage à quiconque me soufflait qu'elle savait, et que, elle le voulait, qu'elle avait choisi.
S'était-elle rendue en vue de la bataille à venir ? Si non, qui l'avait dénoncée ? Comment l'avaient-ils prise ? ...Nulle ne savait. Mon coeur frappait si fort dans sa cage que je voulu le sortir un instant, le laisser respirer dans le vent si frais, si lourd. Je lui présentais alors l'atamé, espérant qu'il accepterait ce cadeau. L'épée à la gorge, je n'en fit rien. La charge qui me revenait maintenant ne laissait nulle place à ma mort, à mon désespoir, à ma folie. Je ne pu que lâcher l'instrument, saisissant la lame pour la pointer au ciel. J'étais la nouvelle porteuse. La neuvième. Les nuages me cachèrent le temps d'y apposer ma marque, ne rendant ses yeux à la Lune qu'une fois mon devoir fait.
Invoquant tantôt les mots, tantôt les armes, l'entraînement commença. Debout à la fin, elles s'inclinèrent. J'étais digne de la porter et de revêtir le titre de Grande Prêtresse. Elle m'avait désignée comme héritière avant même d'être trahie. Formalité donc, que de prouver mon droit sur la fine lame de métal qui prenait place à mon côté. Et nous nous en allions. Je marchais encore un peu, m'asseyant sur une bûche posée là. J'observais. Simplement.
Sur le sol, la terre et le feuillage fatigué offraient une peinture riche en nuances, tapissant les racines perdues là. Quand mes yeux suivirent les bras de bois, ils épousèrent l'écorce brune des arbres dressés là, maquillés de mousses et de lichen, et, coiffés de lierre. Parfois droits, parfois tordus, crochus, ils témoignaient des âges passés. Ancêtres veillant sur chaque parcelle de l'univers. Qu'ils étaient beaux. Nobles pères, protégez nous. Le vent dansait dans les feuillages verts. Il dansait toujours là où il passait. Au creux des branches mêlées, un nid, faible écrin prometteur. La vie dormait en son sein. Ca aussi c'était beau. Et même rassurant. Il n'y avait, en réalité, pas de mal dans ce monde. Juste des idées qui s'opposaient, sans se respecter. Quel dommage. La nuit parsemée d'étincelles n'auraient pas de repos maintenant que le destin était lancé. Il aurai été bien moins violent de cohabiter. Trop de colère avait été libérée, mais il n'était peut-être pas trop tard. Si elle avait pris exemple sur la lune... ses filles tombaient les unes après les autres, cédant à une folie sans nom, et pourtant, elle ne quittait jamais son habit de gracieuse neutralité. Modèle influant sur nos vies, de la naissance à l'enfantement, des saisons à l'extinction, elle n'était crainte de personne mais respectée de tous. Non, ce n'est pas la Lune qui faisait les frayeurs des plus jeunes et des plus pieux, mais les créatures qui se cachaient dans sa lumière. La lune ne tuait pas, ne brûlait pas. Elle ne faisait qu'observer, laissant de temps à autre les nuages la caresser. Elle offrait son corps céleste, ne causant point de torts ni au jour ni aux êtres. C'est l'exemple qu'avait suivi la huitième Grande Prêtresse, Sedna. Tout prenait sens. La juste, la douce, avait retenue la leçon d'humilité que nous donnait la nature chaque jour.

Une luciole vint éclairer la clairière, puis une seconde, puis une autre. Signifiaient-elles l'espoir de voir un jour toute animosité entre les Dieux mourir ? Je l'espérais. Sincèrement. Mais ce soir, c'était trop tard. Mon coeur corrompu avait pris le dessus. Et si maintenant, c'était moi, le mal ? Une larme coula, la colère m'emplis, écrasant lestement mes entrailles. Quel était mon rôle ? POurquoi existais-je ? Non. Elle n'avait pas à culpabiliser de pousser ses soeurs vers la mort : elle défendait sa croyance, ses convictions. Je ferai de même, comme ma mère l'avait toujours fait, et, tout comme Mère, à sa manière.
Je m'en retournait maintenant vers le manoir familial, longeant le ruisseau courant entre les rochers d'argent. Il était temps de dormir, d'offrir paix à mon corps, si ce n'est à mon esprit. Chantant le long de la berge fleurie, l'air était doux, envoûtant, berçant de sérénité le monde environnant. Les créatures gardaient la scène en cette fin de nuit, saluant déjà le matin qui allait poindre. Les fées, les nymphes et les grenouilles conversaient ensemble. Autre exemple d'union possible entre les êtres, entre les races ? L'émotion se fit plus forte. Touchée par la magie de l'instant, je m'effondrais sur le sol humide du sous-bois, cédant à une vague invisible.
Le cercle, une dernière fois, entre les pierres bénies pour prier en païen. L'église, une dernière fois, entre les crucifix pour prier en latin. Et enfin, mon lit, mes draps, dans lesquels les esprits invoqués dans la nuit se frayèrent une place. Le plaisir qu'ils m'apportaient m'apaisa. Le sommeil me prit enfin quand le coq chanta. Il en était ainsi à présent.

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